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Shanghai Samourai
6 septembre 2004

Tarzan Is Not Dead

Quelle surprise l'autre soir, bien tardivement je dois dire, en zappant (anglicisme) ou en virevoltant d'une chaîne à l'autre, je tombe en arrêt devant un générique au lettrage agressif sur un fond composé d'images en noir et blanc sur la cinquième chaîne non satellitaire et accessible même au bas peuple de France, j'ai nommé le presque excellentissime Arte. Un titre apparaît bien vite :

"Tarzan, l'Homme Singe."

L'étonnante adaptation du roman d'E. R. Burroughs pour le cinématographe de Woody (dim. de Woodbridge) Strong Van Dyke (USA, 1932) avec l'inénarrable Johnny Weissmuller. Ô mes amis ! Quel spectacle étonnant. Bien qu'il me fut donné d'assister à une projection de ce film tout juste une année après sa sortie américaine dans l'une des plus belles salles de cinéma de Shanghai (Cinéma Cathay 868, Avenue Joffre, et oui jeunes gens, il y eut bel et bien une Avenue Joffre à Shanghai du temps où j'y habitais), je ne puis résister à vous faire partager ma jubilation en l'ayant donc revu l'autre soir. Et pour nous rappeler à quel point le succès de ce "monument" du cinéma fut international voici l'affiche du film en allemand.

Maintenant, voici le synopsis (d'aucuns préfèrent de nos jours dire "le pitch" (anglicisme) avec une sorte de jubilation "caractéristique des penseurs de gauche" d'après certains spécialistes).

"Fille d'un aventurier installé en Afrique de l'Ouest, Jane Parker (aucun lien de parenté avec Peter Parker, le jeune homme connu sous le surnom surprenant de l'Homme Araignée, après l'homme singe cela n'aurait pourtant choqué personne) rejoint son père dans une expédition à la recherche d'un légendaire cimetière d'éléphants. Très vite, l'expédition se trouve soumise à des tensions. De leur côté, les indigènes ne voient pas l'ascension de la montagne Mutia d'un bon œil... Un cri humain semble percer de temps à autre dans la jungle. Le même cri qui fera fuir une horde d'hippopotames prêts à charger. L'inquiétude est à son paroxysme lorsque Jane est enlevée... "

Excellent résumé mais qui ne vous permet absolument pas de vous représenter à quel point ce film tant célèbre est une mine d'or et un pur plaisir pour l'esprit.

Images tronquées, grossièrement truquées et dangereusement hilarantes (les horribles pygmées hydrocéphales) et par là superbes. Dialogues (Ivor Novello) saupoudrés ici ou là d'un racisme sans vergogne (-"Bwana, porteurs avoir peur.") et entrecoupés par les immortels cris inhumains de l'homme singe en question (cris issus d'un des premiers Tarzans moitié parlant de 1929 mais dont la production jugea bon pour l'occasion d'ajouter quelques distorsion sonores en studio susceptible d'être une véritable arme sonique si vous montez trop fort le volume de votre téléviseur). Scènes d'action et d'horreur hallucinantes (l'effarante attaque du troupeau d'hippopotames et les crocodiles hilares). Acteurs principaux pathétiques (hormis le célèbre chimpanzé "Sheeta" bien entendu et le fameux Weismuller, ce champion de natation qui a l'air de se demander à chaque scène ou se trouve la piscine et incarnant par là la quintessence de l'humain revenu à ses instincts les plus primaires. Et une note positive également pour la beauté, le courage et l'ingéniosité de Jane).

Ne croyez pas que je tente là de briser un mythe qui n'a d'ailleurs eu aucun mal à être qualifié comme "LE Tarzan par excellence, reconnu comme le meilleur de tous par les exégètes de la série." D'ailleurs la bande originale ne comporte-t-elle pas la signature de Piotr Illyitch Tchaïkovsky pour témoigner du chef-d'œuvre de "Tarzan the Ape Man". Non, comme bon nombre de gens, je trouve en "Tarzan" l'incarnation même à l'écran ou sur la toile de l'idéologie de la suprématie blanche de ce temps aujourd'hui disparu. L'on y contemple toute la naïveté alarmante de ceux qui tiennent le fusil jusqu'à nos jours.

Mais enfin quand même, comment un enfant blanc, perdu au plus profond d'une jungle (qui tient plus du jardin d'Eden revisité par le Hollywood d'alors que d'une véritable jungle africaine), élevé par des singes (entendez par là dans le film les personnes portant ces costumes qui évoquent un mélange de zombi et d'extraterrestres poilus) est-il devenu le Roi de la Jungle ? Les singes du coin n'aimaient pas les enfants noirs abandonnés dont je suppose que la probabilité due à la région concernée fait qu'ils devaient, il me semble, être bien plus nombreux que les petits futurs Tarzans fils de Lords Anglais ? Ou alors il n'y avait vraiment que des blancs pour aller perdre leur progéniture dans ces endroits impossibles ?

Tarzan soulève énormément de questions et il me semble que personne n'a su encore et de façon détachée nous montrer à quel point ce film fut une propagande mondiale pour une idéologie raciste fondée sur la suprématie de l'homme blanc sur les singes bien sur (cela transparaît clairement dans le film) mais également sur les noirs et cela transparaît on ne peut plus clairement quand on examine la place qui leur est attribuée dans ce film.

Bien sur les rôles principaux sont dans l'ordre : Tarzan, Jane (Maureen O'Sullivan) , Sheeta (c'est dans ce film que cet incroyable acteur simiesque fit ses débuts), les gentils et méchants animaux de la jungle, le Papa de Jane, le jeune copain du papa de Jane amoureux de Jane et qui deviendra jaloux de Tarzan l'homme singe parce que Jane le préfère à lui (je comprends un peu l'humiliation du pauvre homme mais il faut dire que Tarzan crie plus fort et Jane semble très mélomane) et enfin les porteurs noirs, tous les autres noirs et enfin les pygmées étrangement "hydrocéphales" pour des pygmées. (Voir donc la place du noir dans un film ayant lieu sur le continent africain quelque part entre Malibu et Santa Monica).

Affiche originale :

J'admire le courage d'Arte qui, non contente parfois de pousser au suicide cathodique, propose de telles merveilles sur le petit écran sans que cela suscite le moindre remous puisqu'il s'agit bien sur d'un extraordinaire film d'aventure dans lequel (entre autre curiosité de l'époque) on a sciemment porté atteinte à la dignité des éléphants d'Asie en tentant de les faire passer pour leurs grands cousins d'Afrique par le biais d'une tromperie cinématographiquement indigne. Comment ? En les affublant tout bonnement et sans vergogne d'énormes oreilles postiches en carton pâte rigide. Quand à l'atteinte qui est faite aux "pygmées" (furieux et sauvages qui se délectent pendant leur temps libre de jeter quelque sagaies empoisonnées sur les porteurs noirs de l'expédition, très sélectif le pygmée hydrocéphale puisqu'il évite de viser les blancs de l'expédition de fait les plus visibles du groupe) et du même coup l'atteinte faite aux acteurs noirs qui les incarnent, tous personnes de petite taille, des nains en langage non codé, je vous en laisse juge. Dire que le film fut même qualifié de documentaire par certains commentateurs...

Jean D'Orson.

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